Copie (en respectant à la lettre près l’orthographe des auteurs et les tournures de l’époque) d’un fascicule manuscrit prêté par Joseph Durand, curé archiprêtre de Montmeyran, à Christian Lévi Alvarès.
Au nord-est du village actuel, en face de la Raye, montagne formant barre du nord au sud, se trouve une chaîne de côteaux allant du Midi au Nord et dénommée aujourd’hui simplement le Côteau mais dont chaque sommet portait autrefois un nom particulier, inconnu de la génération d’aujourd’hui. Partant du Sud, le premier s’appelait le serre de la Motte, le deuxième le serre de Ste Palette, le troisième, le plus élevé, serre du Meyran, le quatrième serre de Fournier, et enfin le cinquième, serre de St Genis.
C’est sur le troisième qu’était construit l’ancien village de Montmeyran dont je vais essayer de reconstituer la physionomie, quoique n’ayant à ma disposition qu’un vieux terrier incomplet, et quelques registres tenus par le clergé, les archives de la Commune d’avant la Révolution étant aussi nulles que la tradition locale elle-même.
De ce sommet plein de débris et de tuiles il ne reste plus qu’un pan de donjon, dernier vestige du château féodal, de trois mètres de haut et de sept mètres de circonférence, éraillé, informe, laissé là comme un planton invalide.
Le mur d’enceinte du village avait environ sept cent cinquante mètres de développement. Il était flanqué d’au moins cinq tours de quinze mètres de hauteur dont trois d’entre elles en ruine se voient de nos jours. Celle du Levant, assez bien conservée a environ douze mètres de haut, celle du Couchant, rongée à la base à coups de pioche par un inconscient nommé Jean André, il y a près d’un siècle, mesure 8m80 (ou 60 ?) à l’échancrure et 14 mètres de haut. Celle du Midi, à fleur de terre d’un côté, est dénommée le Colombier, désignant son ancienne destination.
Le mur d’enceinte de douze mètres de haut était percé de deux portes principales : l’une dénommée porte Jame ou de la Garenne se trouvait au Couchant de la « Coste » et donnait accès au chemin situé sur le flanc Ouest, passage qui existe encore aujourd’hui ; la segonde appelée la porte des Barrys se trouvait à l’Est. Enfin, une petite porte au Nord faisait communiquer le village avec le cimetière de St Genis et le chemin de Bernoir au dessus des Foussas (ou Toussas ?) de la ville.
Le village d’une surface approximative de trois hectares et demi, construit en amphithéâtre et à cheval sur les deux flancs du côteau renfermait en son sommet le château féodal face au levant, et se prolongeant avec les écuries et remises jusqu’à la tour du Colombier.
Cette masse imposante passait pour une des forteresses les plus importantes des Poitiers.
Un autre château non loin de là, abritait le seigneur vassal, un puit dont l’ouverture à l’Est est encore visible servait à l’alimentation de la population.
Au nord et à une cinquantaine de mètres du château, se trouvait orientée vers le Levant l’Eglise paroissiale placée sous le vocable de Saint Blaise. Elle occupait la plus grande partie du tertre appartenant aujourd’hui à Mr Eyraud et sur lequel croissent trois amandiers. D’après mes recherches elle avait environ 25 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur, elle avait deux entrées : une petite porte tournée vers le Couchant et la grande porte du Vent, donnant sur le Midi et où aboutissaient plusieurs rues du village : Il ne reste plus rien de cet édifice à peine quelques briques du carrelage usées inégalement par le pied des fidèles. Outre « le grand autel devant la grande vitre regardant sur la place » elle possédait notamment un petit autel de St Pierre et une chapelle de Notre Dame du Rosaire. Le presbytère était situé au Midi de l’Eglise sur la place de la Croix, et un petit jardin y était annexé.
Quant au cimetière il occupait une partie du serre de St Genis au Nord de l’Eglise et suivant la configuration du terrain il avait la forme d’un dos d’âne ; il renfermait une chapelle et en son milieu une grande croix dont on voit à fleur de terre les traces du piedestal. A part cet unique vestige rien n’indique que ce lieu renferme les restes d’un grand nombre de générations montmeyrannaises une herbe courte broutée de temps à autre par quelque troupeau du voisinage remplace tombes et signes funéraires.
Autour et à la suite se trouvait la garenne du seigneur qui se prolongeait fort loin au Nord sur les côteaux, là croissaient des pins, des chênes et des chênes verts dont il reste encore de beaux échantillons. Les conils ont disparu depuis longtemps, mais en revanche dans la belle saison les oiseaux charment les nombreux promeneurs du Dimanche.
Enfin l’hôpital se trouvait sur la pente près du chemin conduisant à Montoison non loin de la porte Jame.
Les habitants mentionnés le plus souvent dans les vieux cadastres sont au vieux village Guillaume Bonnet, Simon Clément, Pierre Dorelon, André Dupuy , Jehan de Mérindol, Ban Dulac, Pierre Bolhane, Alexandre et Gaspard Montoyson, Sébastien de Lioux, etc…
Voici quelques extraits d’un cadastre : « Une mayson en Coste et Jame, confrontant du levant maison de Bolhane, au couchant de la rue de St ginaix… et de la bize Montoyson du levant la place des noyers » (f° 180-188)
« une vigne en St Ginaix confrontant du levant terre et garène de noble sébastien de Lioux, du couchant le cimetière de St Ginaix…. et au vent le chemin allant de Montmeyran à Chabeuil et les foussas sud, confrontant du levant le chemin allant de Montmeyran à Belnoard… » (f° 378).
« ….Ung chazal dus. lieu qui fut de guillaume Bonet confrontant du levant le parcours et entrée du chasteau du couchant la rue publique de la bize le parcours de la place de la Croix …. » (f° 426)
Les registres du clergé nous fournissent quelques renseignements sur la population catholique exclusivement, les archives de la mairie étant muettes sur les réformés.
Le premier registre du clergé débute ainsi :
Rôle et mémoire des enfants que jay baptizés a leglise de Montmeyran a commencer l’an mil six cent neuf estant Henri IV. Faict par moy souchon curé, suppliant tous ceux que le dit livre trouveront qui me le rendent on a leglise parechiale de Montan et Deus redt retributionens secundum laborem – souchon.
Le vint et uniesme février mil six cent neuf a esté baptizé jacques Pisc, fils à Mathieu et Catharine Castillon ses père et mère habitans de Montmeyran, Jaques Pize et Marie de Montmeyran ses parins et marines, par moy baptizé et signe souchon curé.
Le dernier acte de ce registre des baptêmes est daté du 30 octobre 1630.
Le curé Souchon baptise huit enfants en 1611, onze en 1612, sept en 1613, treize en 1614, huit en 1615, douze en 1616, onze en 1617, douze en 1618, dix-neuf en 1619, et quinze en 1620, total 116. Ce qui donne pour cette période une moyenne de près de douze baptêmes qui peut représenter une population catholique de 400 âmes au plus (soit 30 pour mille).
Pour les actes de sépulture le curé souchon ne perd pas son temps : « le 20 en mars jay enterré antoine Pierre Boulhiane – souchon » « le 27 en mai 1631 jay enterré Louise Martin – souchon ». Ce curé mourut en Avril 1632
Le successeur de souchon fut Tournade dont le dernier acte constate la sépulture le 27 décembre 1656 de David Rostan ensevely dans l’Eglise contre les fonds baptismaux.
Depuis le 16 avril 1632 jusqu’au 15 avril 1652, Tournade a sépulturé 152 personnes soit une moyenne annuelle de 7.5. Les sépultures ont lieu soit au cimetière de St Genis soit dans l’Eglise.
Quelques fidèles cependant demandent leur inhumation dans le cimetière de St Pierre situé à la Paillette et qui avait été laissé aux protestants.
Le 24 février 1646 mourut Louise Bonhomme femme de Mr Durant Pise des Gardons.
Le second de janvier 1648, mort de Mr de Chazelles de Mérindol, duc de Vaux, chastellain de Montmeyran, son corps fut ensevely dans léglise dudit lieu dedans la chapelle Notre-Dame du Rosaire contre la muraille muni des s. s. sacrements, confession saint viatique et extrême onction
… « le vingtneuvième d’aoust 1649 au lieu des Rollands paroisse de Montmeyran mourut Gresse, femme Habraham Grégoire, femme de Sr Jean Cognier, laquelle fut surprise d’apoplexie et d’esquilance, s’est conféssée et communiée quelques jours devant, comme bonne catholique, qu’elle a rendu l’âme à Dieu le même jour que dessus, 29 aoust fut enseveli au cimetière parrochial de St Genis proche le grand bachas du côté du mydy ».
A la fin de février 1652 mourut un converti du curé, Paul sainte Croix des Basties.
« …. Le 23 Janvier 1638, mourut à Montmeyran, le sire Alexandre Néry, agé d’environ nonante ans homme de bien et grand catholique, son corps fut ensevely dans léglise parrochiale auprès de la petite porte à leur place. Le 17 septembre 1645, mourut Mademoiselle d’alard, femme de Messire de Néry, fut ensevely dans léglise parrochiale de Montmeyran, au devant du petit autel de Saint Pierre ».
Après le curé Tournade vint un prêtre que les lacunes des archives n’ont pas permis d’identifier. Ensuite Guillaume Monavon parut en 1674 et mourut le 22 avril 1692, âgé de 60 ans. Il fut remplacé par Rodet et ensuite par Morier.
Parmi les personnages marquants de Montmeyran, on trouve dans les registres du clergé : noble marguerite de Grolée (acte de naissance du 12 novembre 1632), noble de la Lombardière (an Mai 1633), de la Rollière (A.N. 19 février 1634), Néry duc de la Gorce en divers endroits, Chazelles de Mérindol, duc de Vaux, déjà mentionné. Nobles Laurens et Jean Enry de Montoison (acte de mariage du 26 novembre 1686), etc… etc…
A titre de document, je relate ci-après un acte d’abdjuration.
« Ce quatrième may mil six cent quatre vingt et trois en présence de Sr Pierre Néry procureur d’office de Montmeyran, de Sr Claude Roland, François Abert et Jean Bouchet après avoir remontré à Judith ( ?) Grégoire de Montmeyran que quand elle aurait faict abjuration de l’hérésie de Calvin quelle ne pourrait plus y retourner souls les paines portées par les ordonnances de sa majesté elle a protesté quelle estait dans le dessain de vivre dans la religion Catholique , appostolique Romaine et pour cet effaict ma demandé l’absolution et ma présenté trois de ces enfants nommés marc, moyse et Elie Janoyer fils a feu mathieu Janoyer son mary, en la présence des susdits tesmoins je hay donné l’absolution le susdit jour et en ay faict le présent acte et me suis signé avec sr Néry et Roland non les autres pour ne scavoir, guillaume Monavon, curé, Néry, Claude Roland ».
A la suite des guerres de religion, la population du village diminua considérablement. Les protestants descendirent dans la plaine de l’Est et utilisèrent pour leurs inhumations le cimetière du prieuré de St Pierre laissé à leur disposition ; quelques uns cependant préférèrent être enterrés chez eux dans un cimetière privé comme on en voit encore ; quand aux catholiques peu nombreux alors, leur exode plus lent se dirigea vers le nouveau village et dans la partie occidentale de la commune ou vers 1700 ils prirent au quartier de Colombier la pierre nécessaire à la construction de leur Eglise, l’ancienne étant en très mauvais état. Cette construction commença en 1733, mais comme souvent elle se fit à l’économie. Economie couteuse, puisque de grosses réparations furent plusieurs fois nécessaires en cours de ce même siècle. Le curé fut au reste le dernier à déménager car dès le début du XVIIIe siècle la plupart des habitants avait émigré dans la plaine et se bâtirent de nouvelles demeures avec les pierres des remparts ou les matériaux de leurs anciennes maisons démolies.
Il ne resta là-haut plus que l’Eglise qui s’écroula vers 1750, après avoir reçu les corps d’Alexandre Ban, le 19 avril 1740, de Dauphine Boissonnier, 84 ans le 19 février 1741, et de Delphine Milhian, le 7 juillet 1741.
Puis le silence se fit : le vieux Montmeyran avait vécu.
Le château féodal est repéré par un pan du donjon, mais rien ne situe l’emplacement de l’Eglise. Il suffit peut-être de signaler cette lacune pour que sur le tumulus en forme de catafalque produit par l’effondrement de l’édifice, une main pieuse érige une croix qui rappellerait aux passants que pendant plusieurs siècles des milliers de chrétiens s’agenouillèrent là.
Narcisse Faure
1) Le vingt et neuvième d’avril mil six cent trente-deux décéda à Montmeyran au diocèse de Vallence en Dauphiné, messire Urtal Souchon curé dud lieu apprès avoir dévotement reçu les saints sacrements de confession, communion et extrême onction. Son corps fut ensevely dans léglise de St Blaise parrochiale aud. lieu et au devant du grand autel. Cujus anima requiescat in pace. Fourna”
2) Du quinzième avril mil six cent nonante trois est décédé messire Jean Rodet, curé de la paroisse de Montmeyran, agé denviron trante une année et a été enterré dans l’église paroissiale dud lieu le présent jour seize dud mois et ont acisté au convoye messire Jean Rostain, curé de la paroisse d’Uppie, messire Jacques Amyeu, curé de Montéléger, messire Nicolas Benoist curé de Montvendre, messire Joseph sayn, curé de la Baulme Cornillane, Baltaard de Néry de la gorce duc de Montmeyran signés avec moy curé soub. Signé Moriès »
3) (Arch. De la Drôme XXI C148 et 149)
Le curé dut attendre plus longtemps pour une cure, les premiers se logèrent comme ils purent, Augustin Forest dût entamer diverses procédures et son successeur Grasson finit par l’obtenir en 1785.